La lutte contre la diffamation et l’extorsion demeure une responsabilité collective partagée qui concerne l’ensemble des acteurs institutionnels et de la société, a souligné, samedi 30/03/2024 à Rabat, un parterre de chercheurs et de juristes.
Lors d’une conférence organisée par le site d’information “Barlamane.com” sous le thème “La diffamation et les causes nationales justes, de la contrainte à l’opportunité”, ces intervenants ont affirmé que la lutte contre ce phénomène exige la prise d’une batterie de mesures juridiques et institutionnelles, du fait que ce fléau porte gravement atteinte aux individus, aux institutions et aux causes nationales justes.
Dans ce sens, le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, a indiqué, à l’ouverture de cette rencontre, que le phénomène de la diffamation est devenu une problématique mondiale, dont le traitement ne relève pas seulement de la responsabilité des gouvernements, mais concerne les sociétés dans leur ensemble, notant que de nombreux pays ont pris une série de mesures pour y faire face.
Il a fait remarquer que certaines parties instrumentalisent aujourd’hui le progrès technologique et les libertés existantes à des fins personnelles à travers la diffusion de “fake news”, insistant sur l’impératif du renforcement du corps journalistique pour qu’il puisse fournir des informations fiables et vérifiées et faire prévaloir les principes d’objectivité et de crédibilité.
Le ministre a aussi mis l’accent sur l’importance du travail journalistique sérieux, de la formation et de la formation continue des professionnels des médias afin de contrer les “fake news” véhiculées avec pour visée de nuire aux individus et aux institutions nationales, relevant que le gouvernement est déterminé à œuvrer de concert avec l’ensemble des acteurs et institutions médiatiques pour surmonter certaines problématiques en lien avec la diffamation et l’extorsion.
Le président de la Commission provisoire pour la gestion des affaires du secteur de la presse et de l’édition, Younes Moujahid, a, pour sa part, indiqué que tout le monde est appelé à relever les défis majeurs liés aux “fake news” et aux contrevérités véhiculées au sujet des causes nationales justes, à leur tête la question de l’intégrité territoriale du Royaume.
Il a souligné la nécessité de disposer de médias nationaux forts afin de faire face à la fausse propagande, à la diffamation et à la manipulation de l’opinion publique, à l’aune du développement technologique accéléré et de l’intelligence artificielle qui menacent les médias classiques.
M. Moujahid a relevé, à ce titre, l’importance d’une action collective organisée et en mesure de faire face aux défis futurs qui s’imposent dans ce domaine, notamment pour l’industrie de la presse et des médias.
De son côté, Lahcen Haddad, professeur à l’Université Mohammed V de Rabat, a estimé que les plateformes des réseaux sociaux ont contribué à des mutations sociétales majeures et favorisé la création d’un espace de libertés très ouvert ayant permis l’émergence de nouveaux acteurs, soutenant que l’usage irresponsable de ces libertés a porté atteinte aux droits acquis.
Et d’ajouter que l’une des raisons de la propagation des “fake news” est l’émergence des réseaux sociaux qui a conduit à la consécration de la culture de l’information “instantanée” et à la floraison du discours populiste qui propose des solutions faciles.
Il a appelé, dans ce cadre, à la nécessité de revitaliser le débat politique, de surveiller et d’assurer le suivi du phénomène des “fake news” pour mieux le contrecarrer, tout en veillant à la moralisation du travail journalistique afin de restaurer la confiance en les médias et à l’adoption des lois nécessaires pour lutter contre la diffamation et l’extorsion.
Dans le même ordre d’idées, Mme Karima Sellam, avocate au Barreau de Casablanca, a fait observer que le phénomène de la diffamation est d’une actualité pressante du fait qu’il importune le destinataire en raison de son impact négatif sur les citoyens, notant que cette question a gagné davantage d’acuité dans le sillage de la révolution numérique et de la facilité de l’accès “instantané” au monde virtuel et à l’information.
Elle a souligné l’importance du rôle des médias et l’impératif d’améliorer le paysage médiatique afin de lutter contre ce phénomène qui fait florès sur les réseaux sociaux, relevant le rôle qui échoit aux partis politiques en matière d’encadrement et de formation.
Mme Sellam a rappelé les dispositions juridiques prévues par la législation marocaine à l’effet de valoriser et d’améliorer l’arsenal juridique dédié à protéger la vie privée des individus, notamment les dispositions du Code pénal qui prévoient des sanctions à l’encontre de toute atteinte à la liberté individuelle.
Les autres intervenants ont relevé que les institutions marocaines s’emploient à endiguer ce phénomène qui porte atteinte aux valeurs et à l’essence même de la société, soulignant la nécessité de développer l’arsenal juridique pour lutter contre ce fléau.
Ils ont fait observer que les médias jouent, aux côtés des institutions et des partis politiques, un rôle central dans l’encadrement des citoyens pour les orienter vers des informations fiables et crédibles, estimant que la diffamation et l’extorsion constituent une “nouvelle guerre” contre la conscience des peuples.
Les intervenants ont, en outre, appelé à la diversification, via les plateformes des réseaux sociaux, de l’offre de sensibilisation pour la lutte efficace contre les “fake news” et le maintien de l’ordre public, et à l’institutionnalisation de la lutte contre la diffamation et l’extorsion pour capitaliser les acquis institutionnels.
Ils ont estimé que la lutte contre le système complexe de la diffamation et de l’extorsion requiert la mise en place d’un système plus élaboré et structuré, soutenant que cette lutte suppose, pour être efficace, une symétrie au niveau des formats (une vidéo contre une autre, par exemple), comme au niveau des supports pour que l’acte diffamatoire diffusé sur Facebook, par exemple, soit combattu sur la même plateforme.
Cette conférence a été marquée par l’annonce de la création de l’Observatoire marocain de lutte contre la diffamation et l’extorsion, qui se chargera du traitement des questions en lien avec ces deux phénomènes à l’échelle nationale et de la détection des pratiques qui visent à porter atteinte aux causes nationales justes.
MAP 31 Mars 2024

M. Bensaid: le ministère œuvre à créer un environnement juridique stable et transparent pour la pratique journalistique
Le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, a affirmé, lundi 08/09/2025 à la Chambre des conseillers, que le ministère œuvre à la mise en place d’un environnement juridique stable et transparent pour la pratique journalistique, de manière à assurer l’efficacité de l’autorégulation de la profession. Présentant le projet de loi N° 26.25 relatif à la réorganisation du Conseil national de la presse (CNP), M. Bensaid a relevé que la capitalisation de l’expérience actuelle de l’autorégulation s’effectue dans le respect des garanties légales et démocratiques encadrant le secteur et garantissant la continuité de ses institutions représentatives. Ce texte législatif, a-t-il souligné, s’appuie sur les conclusions des travaux de la commission provisoire chargée de la gestion du secteur de la presse et de l’édition, créée conformément à la loi N°15.23, à l’issue des consultations qu’elle a menées avec les différentes instances professionnelles concernées, “dans le cadre de l’approche participative adoptée par la commission”. Et de préciser que ce projet de loi vise à consolider les acquis de la loi précédente (N° 90.13), à préserver le caractère professionnel et indépendant du CNP tout en maintenant ses attributions essentielles, et à introduire des amendements structurels et procéduraux “répondant aux contraintes apparues dans la pratique, notamment en matière de renouvellement des structures du Conseil” Parmi les nouveautés du texte, le responsable gouvernemental a cité l’adoption de définitions juridiques des notions fondamentales liées au Conseil, telles que le comité de supervision, l’organisation professionnelle ou encore l’éditeur, la clarification et l’élargissement des missions du CNP, ainsi que l’élargissement du champ institutionnel des partenariats. Le texte prévoit également de porter la durée du mandat des membres du Conseil de quatre à cinq ans, avec la possibilité d’un renouvellement unique, et d’introduire une nouvelle condition exigeant que chaque membre jouisse de ses droits civils et politiques, ce que la loi n° 90.13 ne prévoyait pas, a-t-il expliqué. En outre, M. Bensaid a indiqué que le champ des motifs de révocation des membres du Conseil a été élargi pour inclure désormais les condamnations disciplinaires ou judiciaires pour des crimes ou délits liés à l’extorsion, l’escroquerie, la corruption, l’abus de pouvoir, la trahison, le trafic de drogue, les actes terroristes, le viol, l’exploitation sexuelle de mineurs ou les crimes contre ascendants et descendants. De même, la perte des droits civils et politiques ou de la qualité sur la base de laquelle le membre a été désigné, élu ou mandaté, entraîne la fin de son mandat, a-t-il noté, ajoutant que la décision de révocation est désormais du ressort de l’assemblée générale et non plus du Conseil. Par ailleurs, le projet de loi stipule l’ajout de “la situation en matière de déontologie professionnelle” comme axe central du rapport annuel, aux côtés des indicateurs relatifs à la liberté d’exercice journalistique et aux conditions de la presse et des journalistes, ce qui constitue, selon le ministre, “un accent renforcé sur la dimension déontologique dans la pratique journalistique et au sein des institutions médiatiques”. S’agissant du fonctionnement du Conseil, M. Bensaid a indiqué qu’en cas d’impossibilité de renouvellement de ses structures, une commission spéciale est instituée comme mécanisme légal pour éviter tout vide institutionnel. Les missions de cette commission, présidée par le magistrat membre du Conseil, prennent fin dès l’annonce des résultats définitifs des élections et des désignations des représentants des journalistes professionnels et des éditeurs. Le ministre a aussi précisé que le nombre des membres du Conseil a été réduit à 19, contre 21 dans la loi précédente: sept représentants des journalistes professionnels, neuf représentants des éditeurs et trois représentants des institutions et instances. Le projet de loi encadre par ailleurs les procédures électorales concernant les représentants des journalistes professionnels et celles de désignation des éditeurs, à travers un “comité de supervision” institué par l’assemblée générale et chargé de statuer sur toutes les questions susceptibles de surgir lors des opérations électorales et de désignation. En vertu du même texte, la commission provisoire chargée de la gestion du secteur de la presse et de l’édition fait office d’organe de supervision transitoire qui veille à la préparation, à l’organisation et à la proclamation des résultats définitifs des élections des représentants des journalistes professionnels et des éditeurs, a-t-il noté, précisant que cette commission est présidée par un magistrat désigné par le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Cette disposition “constitue une mesure législative visant à garantir la continuité institutionnelle et à éviter toute nouvelle entrave au travail du CNP”, a fait remarquer M. Bensaid, ajoutant que le projet de loi confère à la commission provisoire “une mission spécifique et limitée dans le temps, qui prend fin dès l’installation du nouveau Conseil, élu et organisé conformément à ses dispositions”. MAP 08 Septembre